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Reims

En maraude – reportage dans les rues de Reims à la rencontre des personnes sans-abris

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Un vent glacial s’engouffre dans les rues de Reims. À 9 heures, alors que les premiers rayons du soleil éclairent les pavés, la maraude commence avec Thierry, médecin bénévole à l’accueil de jour du Secours Catholique de Reims. Muni d’un sac de provisions et d’une Thermos de café brûlant, il part tous les jeudis à la rencontre des personnes sans-abris. La nécessité du contact humain le pousse à maintenir cette routine hebdomadaire :

«  Les personnes que nous rencontrons sont extrêmement heureuses de nous voir, et, au-delà du café, de bénéficier d’un échange sympathique qui est indispensable pour eux. C’est pour cela que nous continuons. »

Comme l’explique Thierry, aider les personnes sans-abris ne consiste pas seulement à les soutenir financièrement :

« Les personnes sans-abris se sentent aidées par l’argent qui leur est donné, mais cela ne suffit pas à leur apporter une satisfaction morale. Il leur manque le contact humain. Alors c’est ce qu’on essaie de leur fournir, sans prétention aucune. »

Les individus concernés par ces maraudes ne se rendent pas à l’accueil de jour pour le moment, soit parce qu’ils n’osent pas venir, soit par manque d’envie. En effet, franchir le seuil de l’accueil de jour peut s’avérer compliqué pour certaines personnes, c’est pourquoi il est essentiel de faire le chemin inverse en allant à leur rencontre. Le lien se crée à la fois par la durée et par la régularité de ces échanges. Ainsi, ces rencontres quotidiennes ritualisent les journées des personnes de la rue :

« Je crois qu’il est très important pour les personnes sans-abris d’avoir un endroit fixe où ils se rendent chaque jour, parce qu’ils ont l’habitude de croiser les mêmes passants. Et c’est par ces mouvements de têtes, ces bonjours, parfois accompagnés du don de quelques pièces, que les sourires et l’amitié s’installent. Cela crée une promesse de rencontre du lendemain : c’est très beau. »

Il existe une réelle solidarité entre les Rémois et les personnes de la rue. En se rendant dans les magasins, les premiers demandent souvent aux seconds ce dont ils ont besoin et le leur fournissent en sortant. Loin d’être condescendante, cette relation met en fait les individus sur un pied d’égalité : témoigner de l’intérêt aux personnes dans le besoin est une façon de reconnaître leur dignité

La traversée de Reims continue. En reconnaissant Thierry, les visages s’illuminent. C’est un lien fort qui s’est tissé au fil des années entre le médecin et les personnes de la rue. Ces dernières demandent des nouvelles des bénévoles et les renseignent sur leur situation. Une discussion des plus banales, mais fondatrice du contact humain. Malgré sa courte durée, l’écoute prend le dessus : 

« Beaucoup ne souhaitent pas trop parler, mais cela ne fait rien, on doit respecter ce choix.  L’essentiel réside dans la relation humaine qui est créée l’espace d’un instant et qui permet aux personnes de la rue de ne pas se sentir oubliées. »

Nous croisons une femme bien connue des bénévoles. Assise sous une arcade où le vent souffle, elle ne sort ses mains des manches de sa fine veste que pour récupérer le gobelet de café fumant. Ses ongles sont impeccablement vernis, une coquetterie a priori futile quand on n’a pas de quoi se nourrir.

Mais c’est tout l’inverse : il s’agit là encore de préserver sa dignité. Et c’est cette valeur qui est au cœur de l’action menée par le Secours Catholique.

La dignité passe notamment par l’engagement associatif. Nombre de personnes aidées par le Secours Catholique désirent à leur tour rendre service en s’impliquant aux côtés des bénévoles. Se rendre tous les jours rue des Poissonniers et prendre part aux responsabilités redonne un sentiment d’utilité à ces personnes et un sens à leur quotidien. Un effet doublement positif, comme en témoigne Thierry :

« Cet échange est gratifiant à la fois pour les personnes de la rue et pour moi-même. La chaleur qui se crée lors de ces échanges illumine le reste de ma journée tout comme celle des personnes sans-abris, qui nous témoignent de leur affection en s’engageant à nos côtés. »

La Thermos se vide. Il est temps de rentrer. Sur le chemin du retour, nous croisons deux autres sans-abris. L’un joue de l’accordéon. Il nous explique qu’il se rend ici tous les jours pour « apporter aux passants du baume au cœur ».

Quelques mètres plus loin, sur le trottoir d’en face, un homme est assis sur un carton. Tous les ans à l’approche de Noël, il se donne pour mission d'orner son espace de décorations qu’il fabrique à partir de ce qu’il trouve. Acceptant notre dernier gobelet de café, il se tourne vers le ciel : « Il va falloir que je parte. » murmure-t-il. Des traces d’humidité s’étendent à la surface de son abri de fortune. Le carton disparaît progressivement sous la pluie battante.

Auteur et crédits
Pauline SAUR